Les billets de juin

C'est à 11h30 que nous sommes arrivés au terme de l'étape du jour : Montefiascone, une petite étape. Et comme c'est dimanche, nous sommes allés au restaurant.

Alors que nous demandions notre chemin pour la cathédrale, une personne nous a conseillé d'aller visiter la basilique San Flaviano. C'est spectaculaire. Cette église romane est bâtie sur deux niveaux, à flanc de coteau, si bien que l'on peut accéder au 2eme niveau de plein pied de l'extérieur.

Puis nous sommes montés à la cathédrale, il Duomo, Santa Margherita. Montefiascone s'enorgueillit d'avoir un des plus grand dôme d'Italie. Il n'y a ni transept, ni nef, il n'y a que le dôme.

Grâce au sèche-cheveux mis a notre disposition, nous avons pu partir les pieds presque secs. Et comme le soleil était au rendez-vous, l'orage d'hier soir a vite été relégué aux oubliettes.

En arrivant à San Lorenzo Nuevo, nous avons découvert, en contre-bas, devant nous, l'immense lac de Bolsena, 13 500ha.

C'est un lac d'origine volcanique créé il y a 300 000 ans (hier matin) par effondrement de plusieurs cratères. S'il est à une altitude de 30m, sa profondeur descend jusqu'à 151m. Ce serait le plus grand lac volcanique d'Europe.

A 4-5km du lac, nous avons vu une carrière à ciel ouvert où l'on exploite une roche rougeâtre ressemblant à du mâchefer et de la pierre ponce associée à du sable rouge manifestement d'origine volcanique.

Depuis quelques jours nous marchons le long ou sur la Via Cassia. C'est une vieille route consulaire qui allait de Rome à Florence. Elle désigne aujourd'hui la SR2 (strada régionale 2) qui vient de Rome, passe par Acquapendente, traverse le Val d'Orcia et va à Sienne. Nous avons emprunté des tronçons plus ou moins longs de cette SR2 et même, parfois, des morceaux de la vieille Via Cassia (Strada vecchia).

Les Italiens ont su conserver le nom de leurs routes antiques : via Cassia, via Aurélia, via Appia, via Francigena etc...

C'était une journée qui faisait peur car notre guide-papier nous annonçait plus de 31km. Finalement, nous avons bouclé l'étape en raccourcissant quelques allongements de parcours.

C'est avec la brume matinale se déposant sur les vallées que nous avons quitté en catimini San Quirico d'Orcia.

En démarrant de bonne heure, la température est bien plus supportable. Ceci fait que la marche d'aujourd'hui a été une belle promenade dans la campagne toscane, campagne qui s'est révélée être une succession de plateaux couverts de céréales ou de fourrage pour les animaux.

Cependant, nous ne voyons aucune ferme d'élevage par ici, ni vaches laitières, ni vaches à viande. Le trèfle cultivé pour faire du foin (avec de la folle avoine, bien sûr) est abondant dans le secteur. Sa maturité étant largement dépassée, cela donne des touches sombres dans un paysage où abondent des céréales presque bonnes à moissonner.

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Hier en fin d'après-midi, alors que nous faisions une sieste réparatrice, un orage a éclaté sur Sienne. Il a plu un quart d'heure. Une demi-heure plus tard tout était rentré dans l'ordre, toutes traces de pluie avaient disparu, mais la température avait chuté de 10°. Car, nous ne le disons pas, mais il fait très chaud : plus de 30°.

Qu'on se rassure, nous n'allons pas nous plaindre.

C'est donc encore à la fraiche que nous avons quitté notre refuge et Suora Gineta, religieuse de la Congrégation des Filles de la Charité, fondée par Louise de Marillac et Saint Vincent de Paul. En plus de l'accueil de pèlerins, sa communauté accueille et aide quantité d'indigents par de la nourriture ou des vêtements.

Sienne est une ville très touristique et très bruyante jusque tard dans la nuit.

Avant le repas, hier soir, nous avons participé à une petite cérémonie émouvante à l'Ospedale. Dans tous les lieux d'accueil tenus par la Fraternité de St Jacques, les accueillants procèdent au lavement des pieds des accueillis avant le repas du soir (la cena).

Nicoletta restant à l'écart de la cérémonie, Monica et Simone (un homme) ont revêtu la cape de cérémonie de la Fraternité. Ils ont mis les chaises en cercle, préparé une cuvette et un pichet d'eau. Nous, les pèlerins, nous nous sommes assis. Et le rituel s'est déroulé pour chacun des 5 pèlerins.

Pendant que Monica lisait la prière :

- Au nom du Christ, nous t'accueillons dans le gîte de San Cirino et Giacomo. Que le repos te réconforte et te redonne la force de continuer ton chemin vers Rome. AMEN

Simone versait de l'eau sur le pied que le pèlerin lui présentait, l'essuyait et le baisait en signe d'humilité et d'accueil.

Nous avons ensuite chanté le bénédicité et mangé ce que nos hospitaliers nous avaient préparé.

Ce matin à 6h, ils étaient debout pour nous préparer le petit-déjeuner,

Certains nous l'annonçaient pluvieuse ; ce fut au contraire une très belle journée. Juste ce qu'il faut ! Un peu de soleil qui a su se voiler de temps en temps, des chemins qui montent et qui descendent pour rompre la monotonie, 3 gués pour apporter de la fraicheur, un bar-cafe placé en milieu d'étape, une belle pelouse ombragée pour la pause de midi. Le bonheur, quoi ! Et puis il y a eu les cerisiers : ils étaient au milieu de notre route. C'est tout au moins l'interprétation que nous laisse notre conscience pour que nous puissions dormir sans reproches ce soir. Nous le jurons ! Les branches qui dépassaient étaient sur la voie publique. Alors nous en avons mangé, goulûment, à pleine poignée.

L'Italie ne serait pas l'Italie sans ses arbres fruitiers. Alors nous avons tenu à faire honneur à cette Italie-là.

C'est une route très agréable dans la campagne toscane qui nous a conduit jusqu'ici, à San Giminiano. Après la solitude et le silence de la marche, l'effervescence de la ville touristique nous a surpris quelque peu. San Giminiano est une ville qui a gardé son cachet médiéval. Il y avait, dit-on, plus de 70 tours dans la ville ; il en reste une bonne dizaine qui se font une concurrence effrénée auprès des appareils de photos des centaines de touristes et pèlerins (quelques unités) qui fréquentent les lieux.

En montant la grande rue commerçante et touristique depuis la porte San Matteo jusqu'à la place du Duomo, nous avions l'impression d'être des extraterrestres perdus dans une nouvelle civilisation, bref des touristes comme nous le sommes aussi quelquefois. Mais notre bronzage partiel, nos chaussures qui commencent à craqueler, nos sacs à dos avec tous leurs pendentifs faisaient un peu tâche dans cette population bigarrée. Quelques regards furtifs. Quelques pas sur le côté pour nous laisser passer (ou pour ne pas se salir, qui sait !). Nous n'avons même pas eu droit à "Tiens, des Bretons !" Des inconnus traversant le monde !

Ceci nous amène à expliquer ce qu'est la Bretagne pour les Italiens :

- Nous sommes de Bretagne

- Ah ! De Grande Bretagne

- Non, de l'ouest de la France

- Oui, oui ! Je connais bien : le Mont Saint Michel, Saint Malo, les plages du Débarquement, la Normandie.

Nous restons persuadés que l'Office Régional Breton de Tourisme a encore beaucoup de travail de communication à faire pour que la Bretagne soit connue et reconnue en Italie.

Être assimilés à des Normands, ça nous fait toujours un choc !

Cette expérience, nous l'avons vécue plus de vingt fois en Italie et notre voyage n'est pas terminé.

En rentrant de notre repas pizza-cerises pris avec Marie-Catherine que nous avons retrouvée hier soir, nous avons eu l'agréable surprise de trouver sur notre table, au refuge, 3 attestations de passage en qualité de pèlerins à San Miniato, rédigées en forme de diplôme.

Le sommeil a été dur à trouver avec la chaleur, les bruits des jeunes du centre aéré tout proche, et surtout le bruit des conversations des gens qui venaient, tard le soir, veiller un mort au funérarium de l'hôpital, juste à côté de notre refuge. S'ils veillent un mort, ils le font en étant bien vivants.

Hier soir, à Altopascio, nous avons fait la connaissance de Marie-Ange, une française de la Réunion et de Sébastien, un espagnol de Barcelone, qui ont démarré leur pèlerinage à Aoste. Nous avons passé la soirée ensemble, discutant des rencontres et des chemins.

Toujours hier soir, nous étions donc 4, nous allions nous asseoir à la terrasse d'un restaurant pour manger lorsqu'un jeune homme, appareil de photo autour du cou, nous accoste. Il essaie de nous expliquer dans un italien mâtiné de français et d'anglais ce qu'il veut. Ne comprenant strictement rien à sa demande, il nous invite à le suivre, ce que nous faisons.

Nous nous retrouvons à la terrasse du restaurant voisin et concurrent, des plats sont sur la table et il nous dit :

- "c'est pour vous!"

Nous avons fini par comprendre qu'il faisait un reportage photographique pour la plaquette publicitaire du restaurant. Il photographiait les plats que le chef cuisinier avait réalisé spécialement pour le reportage. Ensuite, plutôt que de les jeter, il nous a invités à les déguster...

Et bien, nous avons été corrects. Nous avons dégusté en apéritif les plats préparés et sommes restés dans ce même restaurant pour la suite du repas. Le patron nous a même fait un prix.

Hier nous sommes passés devant le Volto-Santo dans la Cathédrale San-Martino di Lucca. Nous avons appris depuis que ce Volto-Santo ou Sainte Face serait la réplique du visage marqué sur le voile de Véronique. On dit ici que ce serait Nicodème, le confident de Jésus, qui aurait réalisé ce crucifix.

Celui fut ensuite oublié et arriva miraculeusement sur les côtes italiennes.

Des rois, des papes, Ste Catherine de Sienne en personne sont venus se prosterner devant lui.

Longtemps on l'appela Saint Voult et les rois de France prêtaient même serment par "Saint Vaudeluc".

Nous allions nous mettre à table hier soir pour déguster les pâtes préparées par Alberto, lorsque Thorsten est arrivé. Thorsten est un colosse bavarois d'1,90m pour 110kg, parti de chez lui près de Nuremberg fin avril et qui était sur le chemin du retour, avec des étapes de plus de 35km.

A faire ce pèlerinage vers Rome, nous avons parfois (souvent) l'impression d'être en dehors du monde, en déphasage complet avec la réalité.

Mais en discutant avec notre ami bavarois, un pro des pèlerinages ( Camino Frances 2 fois, Camino del Norte, Via de la Plata, Francigena aller-retour, le chemin de la Baltique, la route d'Olaf en Norvège), nous nous apercevons qu'il y a encore plus déphasés que nous !

Il y a toujours des "Forest Gump" qui courent le monde.

Hier soir, Jo et Ian, un couple de pèlerins australiens ayant commencé la Francigena à Canterbury, sont arrivés avec nous à Pietresanta. Nous avons pu parler de nos rencontres communes : Marie-Catherine, Simon et Jacques, Caterina et Claudio. Finalement, les pèlerins dont nous voyons les noms sur les registres, nous finissons par les connaître un peu et parfois les rencontrer.

Si Carrara est connue pour son marbre, Pietrasanta est un peu la Mecque des sculpteurs, comme Pont-Aven pour les peintres. Plusieurs maisons se vantent d'avoir accueilli le grand Michel-Ange en personne lorsqu'il venait ici choisir ses blocs de marbre pour ses sculptures.

Nous avons quitté Pietrasanta pour nous diriger, dans un premier temps, vers Camaiore. En quittant la ville, un homme nous court après pour nous remettre une médaille de la ville, à nous pèlerins qui la traversons. Il est vrai que dans son descriptif des villes traversées, Sigeric, notre mentor, avait séjourné dans cette ville qu'il appelait "Campmaior".

C'est avec émotion que nous avons apprécié et remercié la générosité et le désintéressement de la personne qui nous l'a remise et qui ne nous a rien demandé en échange.

C'est une journée de bord de mer que nous avons faite aujourd'hui. Et le bord de mer de cette partie de l'Italie, ce sont des cités balnéaires qui se succèdent sans interruption. Ainsi sur 16km, après Marinella, ce fut Marina di Carrara (Carrare-plage) ; la commune de Carrara vient jusqu'à la mer, ainsi nous avons un peu traversé Carrare. Au port, nous avons vu des cargos en instance de chargement de gros blocs de marbre.

Puis nous avons traversé Partaccia, puis Ricortola, puis Marina di Massa. Nous avons franchi le 44e parallèle, puis Ronchi, puis Marina di Ronchi, puis Poveromo, puis Cinquale, Montignano, Vittoria Apuena et enfin Forte dei Marmi.

A partir de là, nous avons quitté la côte pour Pietrasanta. Dans notre pèlerinage, il n'est plus envisagé de voir la mer que, finalement, nous n'avons que très peu vue, aujourd'hui.

Que ce soit à Aulla au départ ce matin ou en entrant tout à l'heure dans Sarzana, le jasmin est omniprésent en ville, couvrant des pans de murs complets et dégageant un parfum envoûtant.

L'étape d'aujourd'hui nous a bien fait comprendre que si les Apennins viennent mourir à la mer, ils sont présents jusqu'à la mer. Et si pour des raisons de circulation automobile, les vallées ne sont pas utilisables par les malheureux pèlerins, ils doivent donc se taper des ascensions et des descentes.

Nous avons appris que si les Français disent les Apennins, ici on dit il Apennino. Alors, il y a il Apennino settentrionale dans le Nord, il Appennino centrale, au milieu et il Apennino meridionale, au Sud.

Nous devons nous faire une raison, des montées et des descentes, il y en aura jusqu'au bout.

En passant par les raccourcis, nous avons réussi à réduire à 24km, une étape donnée par le manuel du parfait pèlerin pour 33 km avec tous ses tours et ses détours. Ceci nous permet d'envisager la suite avec un peu plus de sérénité. Les six dernières étapes que nous venons de réaliser nous donnaient au départ quelques frayeurs, par leur longueur et leurs difficultés.

Avant hier nous avons vu une carte en relief de ce Alto-Apennino (Haut-Apennin). Lorsque nous avons vu tous ces creux et ces bosses qu'ils nous faudrait franchir, nous avons eu des sueurs froides.

Mais nous les avons eus !

Aujourd'hui, depuis Pontremoli jusqu'à Aulla, nous avons marché dans la Lunigiana. C'est la petite région qui borde la rivière Magra depuis la Col de la Cisa, elle est commune à la Toscane et à la Ligurie.

A Pontremoli, dans le lit de la rivière nous remarquons des rochers et des affleurements blancs. Un ouvrier se rendant à son travail nous a expliqué que c'était du marbre.

En quittant Berceto ce matin, nous avons remarqué ce petit monument érigé en l'honneur des habitants de ce pays qui ont dû émigrer, principalement au début du XXeme siècle vers la France qui a accueilli son lot de mineurs de fond, dans le Nord et dans les autres régions minières, son lot d'ouvriers agricoles dans les exploitations du Sud, emigrer aussi vers les Etats-Unis qui se construisaient et qui avaient besoin de maçons. Pour la grande majorité d'entre eux, c'était un voyage sans retour, tournant définitivement le dos à leur terre natale qui ne pouvait plus nourrir son monde, tant la misère était grande.

C'est avec le chant des merles et les senteurs de tilleul que nous avons quitté Sivizzano ce matin. A la sortie du pays, une pancarte indiquait Berceto 35km, alors que notre livre-guide n'annonçait que 24 km. Généralement celui-ci nous donne des allongements à n'en plus finir. Pour une fois, aujourd'hui, il n'y avait pas mieux pour faire des réductions. Aux organisateurs du circuit, aux flecheurs et aux debrousailleurs : bravo ! Respect ! Par contre, pour monter, ça montait. En partant d'une altitude de 150m, nous avons franchi 953m pour être logés ce soir à la Casa della Gioventu, à Berceto à une altitude de 808m (809 pour Jean-Jacques car nous avons des lits superposés).

C'est avec beaucoup d'émotion que nous avons quitté la Fraternité Franciscaine de Cella ce matin. Une soeur nous attendait pour le petit déjeuner, alors que tous les autres étaient à la chapelle. A 7h il faisait beau, vraiment beau. Le bâtiment de la communauté est bâti à flanc de coteau et de ce lieu, la vue est magnifique avec des collines en ligne d'horizon, avec un jeu de couleur que donne la végétation à cette époque, dans les vallées. C'était presque un moment magique. Et c'est tout naturellement que nous avons chanté :

- Tu es le Dieu des grands espaces et des vastes horizons.

- Tu es le Dieu des longues routes, des chemins vers l'infini.

- Tu es le Dieu qui dis : va, quitte ton pays ....

Hier soir, c'est à 21h que Marie-Catherine, notre collègue d'Anvers, est arrivée au refuge. Nous l'avions abandonnée à Orsieres. Elle a attendu 4 jours que le temps s'améliore, a loué des raquettes et, en ayant informé les chanoines du Col du Grand St-Bernard, s'est lancée dans la montée puis la descente, vers Aoste. Puis à raison de 30km par jour, elle nous a rattrapés pour nous doubler aujourd'hui.

C'est une journée très agréable que nous avons encore connue aujourd'hui. La plaine du Pô s'est progressivement retirée pour laisser la place, dès ce soir, à ces pre-montagnes des Apennins. Nous ne savons pas comment s'appelle cette région particulière de l'Émilie-Romagne. Toujours est-il que les paysages changent radicalement. Après la plaine désespérément plate, c'est la l'arrivée des collines avec ses montées et ses descentes, les vallées à suivre et les sommets à contourner. Les pâtures remplacent les champs de tomates et les rizières.

A 7h30, à la fin de la messe de 7h célébrée en la petite chapelle de San Pietro, devant une dizaine de personnes, nous avons salué Flavio et Tonio, nos confrères de la soirée et de la nuit, pour prendre la route.

Notre livret nous annonçait 25km avec les tours et les détours. Mais la pancarte au bord de la route indiquait 15km. Alors nous avons fait un mix, pour réaliser finalement 21km.

Nous marchions depuis 1km ; nous avions bien repéré ce marcheur déterminé qui progressivement nous rattrapait. Arrivé à la hauteur d'Agnès : "Bonjour, Agnès !" Stupéfiant ! C'était Jacques, un pèlerin savoyard qui, depuis quelques jours, a repéré nos noms sur les registres ou les livres d'or des refuges que nous avons fréquentés. Nous avons marché quelques kilomètres, bu un café ensemble, mais les jambes d'un chasseur alpin sont faites d'une autre matière que les guibolles de vagabonds bretons. Il a donc pris de l'avance.

C'est à la fraiche que nous sommes partis ce matin, premier jour des vacances scolaires des petits et grands italiens qui ne retourneront à l'école qu'en septembre.

Nous étions tellement heureux de partir que nous avons oublié de mettre notre obole dans la cassette laissée à l'intention des pèlerins. Nous en avons été quitte pour passer à la poste de San Rocco et de glisser un billet dans une enveloppe à destination de Luigi et Giovanni, son copain, chevalier de l'ordre militaire de Malte et gérant de l'Ostello dei pelegrini de Sanna Lodigiana

Tant à faire d'être à la poste, nous en avons profité pour faire une opération "délestage" avec un colis à destination de Plouhinec. Résultat : 3kg de moins à porter entre nous deux.

C'est avec le carillon de l'église Santa Cristina, sonnant l'Ave Maria de Lourdes, que nous sommes partis ce matin.

C'était encore dans un accueil paroissial que nous avions échoué hier soir. Catéchèse, sport, salles de réunions, bar : tout cela réuni dans un même endroit. Inutile de vous dire que la photo de Don Bosco traîne partout.

Nous avons doublé Orio Litta, grappillé une cerise par ci, une mûre par là, dérangé une troupe de moutons se rendant au parcage, découvert une tortue qui ne savait ni pourquoi ni comment elle était là.

Nous sommes passés devant quantité de petites chapelles. Celui qui est le plus représenté et le plus honoré, après Notre Dame de Lourdes, c'est le Padre Pio. Il rassemble toujours autour de lui quantité de petites veilleuses rouges. La technologie est passée par là ; la fragile petite flamme est remplacée par une petite ampoule rouge alimentée par une batterie de durée 40h ou 50h selon le prix.

C'est encore une agréable balade sous le soleil que nous avons connue aujourd'hui. Nous sommes toujours dans la plaine du Pô, Pô que nous n'avons toujours pas vu et que nous tenons à distance d'environ 4km depuis ce matin. Nous avons simplement vu des traces de son passage, les marques notées sur une maison lors de ses inondations dont la plus ancienne remonte au 17 maggio 1726

Ce matin, en quittant le centre paroissial, à 7h, il y avait déjà des clients au bar. C'est d'ailleurs là que nous avons pris notre petit-déjeuner.

Une petite affiche de la catéchèse a retenu notre attention. Il y est conseillé à tout un chacun 5 mots à employer avec générosité : ciao = bonjour, au revoir, salut, per favor = s'il vous plait, grazie = merci, ensieme = ensemble et scusa = excusez-moi.

Ça nous a paru un bon programme.

Nous sommes accueillis ce soir au centre paroissial de Gropello Cairoli, il Centro Pastorale "Don Ettore Ardissone" . Outre l'accueil de pèlerins vers Rome comme nous, ce centre héberge aussi, sous le même toit, un dépôt de vêtements type Secours Catholique, un bar ouvert de 7h du matin à 23h30, des salles de jeux, des salles de réunions, des salles pour la catéchèse. Dans la même entité, il y a aussi les terrains de football pour le club local, de la paroisse, un jardin d'enfants et une garderie. Ça grouille de monde. Lorsque nous sommes arrivés à la Casa Parrochiale, le curé était dehors. Nous n'avons même pas eu à parler. Le curé a appelé un des bénévoles du centre qui nous a conduit à notre hébergement non pas sans parler, car les italiens ne savent pas faire ça, mais sans nous poser de question.

-"Cuanto Costa ?" Combien ça coûte ?

-Donativo ! C'est offert (à votre bon coeur)

C'est une courte étape qui nous a conduite de Robbio à Mortara, à travers la campagne, de champs de maïs en champs de riz, dans une campagne plate et vide, si ce n'est une "cascina Mora" par ci, une "cascina Affitiati" par là. Une cascina est une exploitation agricole, ici en Lombardie et en Piémont : un ensemble de bâtiments au carré, fermés, avec un portail d'entrée, sous vidéosurveillance.

Ici, la vidéosurveillance est une obsession. Il y en a partout, partout, même dans les églises. Nous avons dû être filmés sous toutes les coutures.

Fête nationale italienne.

Ce matin, place Cavour à Vercelli, les pompiers s'activaient pour préparer des festivités sur cette place. Des joueurs de musique, avec leurs instruments, y convergeaient aussi.

Mais, pour nous, c'est la route qui nous appelait.

Les 2 et 3 juin 1946, les Italiens furent invités, par un Référendum institutionnel au suffrage universel, à décider de la forme du gouvernement : monarchie ou république, qu'ils donneraient à leur pays après la fin du régime fasciste. Après 85ans de monarchie, l'Italie devint une République et les monarques de la Maison de Savoie furent exilés. Le dernier roi, Humberto II n'avait régné que 35 jours. Il avait succédé à son père, Vittore-Emanuele III, qui avait dû abdiquer sur la pression des partis antifascistes.

Vous avez donc compris ; aujourd'hui c'est Fête Nationale en Italie. Conclusion : tout est fermé ! Et sur qui ça tombe, une fois de plus ? Sur de pauvres pèlerins bretons qui ne pourront pas avoir leur sandwich préféré, car les paneteria sont fermées. Ils devront se rabattre sur un ristorante qui, par chance, était apierto.

Ce fut une journée de découverte pour nous. Entre Santhia et Vercelli, nous avons marché toute la journée autour de rizières. Cette partie de la plaine du Pô, que l'on trouvera dans quelques jours, est carrément horizontale, plate comme un billard. Les rizières ont différentes tailles, de 1 à 5-6ha. Chaque parcelle est entourée d'un petit talus de 50cm de hauteur, d'un canal d'alimentation et d'un canal de déversement. Parfaitement plats, les champs sont inondés après le semis pour que le riz germe et lève puis les rizières sont vidées. Le réseau hydraulique est impressionnant. Il y a des canaux de toutes les tailles et de toutes les formes, qui se côtoient, qui se croisent, s'alimentent, se chevauchent. Vraiment impressionnant !

Nous avons vu des rizières à perte de vue. Vercelli est dite la Capitale del Riso en Italie. C'est ici que l'on aurait inventé le risotto.

Toutes ces rizières sont alimentées à partir d'un grand canal, le Canale Cavour, du nom de celui qui a initié le projet de cette gigantesque irrigation au XIXeme siècle.

C'est un canal de 85km de longueur avec un débit constant de 110m3/seconde toujours au même niveau. Parmi les infrastructures qui le caractérise, il y a 4 ponts-siphons (passage sous 4 rivières) et 4 pont-canaux (passage au dessus de 4 rivières). La culture rizicole autour de Vercelli est intégralement dépendante de l'eau de ce canal.